Parlons migration!

Journalistes ghanéens discutant du thème brûlant de la migration irrégulière

La migration irrégulière est devenue un problème social et économique majeur en Afrique de l’Ouest. Des journalistes de West Africa Democracy Radio (WADR) ont remarqué que de nombreux jeunes Africains partant pour l’Europe ne disposaient pas des informations les plus fondamentales sur leur destination exacte et sur les implications d’un départ. L’idée d’utiliser la radio pour informer ceux qui s’intéressent à la migration était née. Le ministère allemand des Affaires étrangères a soutenu cette initiative dès ses débuts.

Agnes Thomasi est convaincue que la radio peut être un instrument puissant dans la lutte contre la migration irrégulière. La directrice de la station peut témoigner de la force du «storytelling». Trop souvent, dit-elle, la fin tragique d’une tentative de départ a commencé par une décision précipitée et irréfléchie. C’est sur la base de cette expérience qu’est née l’idée du projet «Let’s talk migration» (Parlons migration!). Le ministère fédéral des Affaires étrangères a soutenu cette initiative dès 2018.

«Ils nous ont dit que des gens allaient nous aider à l’arrivée.»

Jeune survivant d’un navire ayant chaviré en Méditerranée, qui explique pourquoi il a entrepris un voyage si dangereux.

WADR est une radio communautaire avec des correspondants dans 12 pays d’Afrique de l’Ouest. Son siège est à Dakar, au Sénégal. La programmation, en anglais et en français, est retransmise quotidiennement par des radios partenaires réparties dans toute l’Afrique de l’Ouest, en particulier au Ghana, au Niger, au Mali, en Gambie, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, en Guinée et au Nigéria. «Nous voulons fournir des informations qui aideront nos peuples à être bien informés, parce que c’est la seule façon de prendre la bonne décision», explique la directrice Agnes Thomasi.

Lassés du statu quo, les journalistes de WADR lancèrent le nouveau programme. «Nous avons réalisé que nous faisions sans cesse des reportages sur la migration irrégulière et sur les naufrages de bateaux en Méditerranée», se souvient Agnes Thomasi. Tenir le compte des morts jour après jour ne suffisait plus.

La directrice de la station Agnes Thomasi (à gauche) assistant à une cérémonie au Ghana pour la Journée internationale des migrants.
La directrice de la station Agnes Thomasi (à gauche) assistant à une cérémonie au Ghana pour la Journée internationale des migrants.

Créer un réseau solide d’experts de la migration irrégulière

Agnes Thomasi et son équipe ont alors développé l’idée de créer une communauté de professionnels des médias bien informés qui partageraient leurs connaissances: « Notre objectif est de construire un réseau solide de reporters formés aux questions de migration irrégulière et capables eux-mêmes de former d’autres professionnels dans leur communauté locale. » Les modules de formation pour journalistes ont été élaborés en coopération étroite avec des spécialistes de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Beaucoup a d’ores et déjà été fait : on dénombre 70 journalistes formés à cette thématique. 80 émissions de radio sur des thèmes liés à la migration ont été produites et distribuées. La station entend rediffuser les émissions à travers toute l’Afrique de l’Ouest via ses stations partenaires. Grâce à ces canaux de diffusion multiples, WADR passera ses émissions environ 1 500 fois. Des succès personnels sont également nés de cette initiative : en Gambie, un journaliste local passé par la formation de WADR est devenu un mentor reconnu pour la jeunesse. Il a même créé une organisation de jeunesse destinée à soutenir ceux qui rentrent chez eux. Au Mali, un autre journaliste formé par WADR a gagné le prix de journaliste de l’année pour sa couverture des questions migratoires – idem en Gambie en 2019.

La reporter Deborah Amuwo écoutant les histoires de deux rapatriés
La reporter Deborah Amuwo écoutant les histoires de deux rapatriés

Au cours du projet, les journalistes de WADR à Dakar sont restés en contact avec des journalistes locaux d’autres radios communautaires très éloignées. Ils ont travaillé ensemble sur des scripts et des interviews. Un travail supplémentaire qui vaut largement la peine, assure Agnes Thomasi: «Une fois que vous avez travaillé avec des radios communautaires qui ont la confiance du public, vous bénéficiez aussi de cette confiance parce que c’est là que les gens se renseignent en premier sur ce qui se passe dans leur communauté.» Cette approche ascendante a permis de diffuser des informations indispensables.

Lutter contre la migration irrégulière en temps de pandémie

Avec l’appui continu du ministère allemand des Affaires étrangères, le projet entrera dans sa troisième phase à l’été 2020. Deux phases antérieures du projet ont été mises en œuvre en 2018 et 2019. Mais les effets de la pandémie mondiale de COVID-19 auront aussi un impact sur la nouvelle phase du projet «Parlons migration!». Le réseau radio veut intensifier ses activités de diffusion sur les médias sociaux afin d’étendre et de multiplier les groupes cibles touchés. L’enjeu est de fournir les informations nécessaires aux migrants potentiels, mais aussi aux migrants en transit qui ont été très durement frappés par la pandémie et qui n’ont pas accès aux informations dans leur langue natale. WADR travaille en étroite coopération avec des partenaires et des experts pour divulguer les renseignements indispensables durant la pandémie. En 2020, WADR prévoit aussi d’étendre son réseau d’actuellement 80 stations partenaires.

Rassemblement d’auditeurs au Ghana en 2018 à l’occasion de la Journée internationale des migrants
Rassemblement d’auditeurs au Ghana en 2018 à l’occasion de la Journée internationale des migrants

De nombreuses familles ont souffert et sont prêtes à parler

Pendant longtemps, la question de la migration irrégulière a été taboue. Les mythes et les fausses informations se sont engouffrés dans ce vide. «Désormais, les familles sont prêtes à en discuter parce que nombre d’entre elles ont perdu des enfants, le plus souvent leurs fils», remarque Agnes Thomasi.

«Pour lutter contre la migration irrégulière, nous avons tous un rôle à jouer : les gouvernements, les médias, les familles, les parents et les jeunes eux-mêmes.»

Agnes E. J. Thomasi, directrice de la radio West Africa Democracy Radio (WADR)

Les journalistes de WADR reçoivent souvent des questions sur les voies régulières d’émigration vers l’Europe et ailleurs. «Les journalistes expliquent alors que pour obtenir un visa pour un pays européen, il faut avoir les bons documents», précise la directrice de WADR.

Une coopération à travers huit pays d’Afrique de l’Ouest

La directrice de la station en est convaincue: «Il faudra juguler la migration irrégulière pendant longtemps encore, pour une raison très simple: tant que nous ne donnerons pas aux jeunes les raisons de rester dans leur communauté d’origine, ils continueront à chercher une vie meilleure.»

Mariama Thiam (à droite), formatrice aux médias de WADR, remet une attestation à un journaliste d’une radio communautaire d’Agadez (Niger)
Mariama Thiam (à droite), formatrice aux médias de WADR, remet une attestation à un journaliste d’une radio communautaire d’Agadez (Niger)

WADR est prêt à relever le défi et continuera à aider ses auditeurs à prendre des décisions éclairées. La station a donc étendu son réseau de coopération journalistique à travers huit pays d’Afrique de l’Ouest. Mais tout le monde devra apporter sa contribution, insiste la directrice de WADR: «Pour lutter contre la migration irrégulière, nous avons tous un rôle à jouer: les gouvernements, les médias, les familles, les parents et les jeunes eux-mêmes.»

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Souhaitez-vous venir en Allemagne comme travailleur qualifié ? Pour en savoir plus, consultez: https://rumoursaboutgermany.info/facts/six-ways-to-germany-for-skilled-workers-and-high-potentials/

Vous souhaitez retourner dans votre pays d’origine ? Découvrez les opportunités qui s’offrent à vous: https://rumoursaboutgermany.info/facts/how-to-make-your-new-start-work-new-website-online/

Vous êtes de Gambie? Découvrez les initiatives développées par l’Allemagne dans votre pays:
https://rumoursaboutgermany.info/facts/tekki-fii/

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Écouter le podcast «Parlons migration!»

Podcast:
Des rapatriés au service de leur communauté
(septembre 2019)

Cet épisode suit les activités de rapatriés qui ont réintégré leur communauté avec succès et sont une source d’inspiration.

Podcast:
Le réseau des passeurs
(septembre 2019)

Dans cet épisode stupéfiant, nous avons découvert comment même des organisations et des personnalités religieuses s’associent à des réseaux de trafic d’immigrants clandestins et d’exploitation.

Podcast:
Migration et santé mentale
(septembre 2019)

Un épisode consacré aux problèmes de santé mentale, qui constituent l’un des effets les plus dévastateurs de la migration irrégulière.

Podcast:
Femmes et migration
(septembre 2019)

Un phénomène émerge dans le domaine de la migration : la place prépondérante des migrantes.

Podcast:
Mineurs et migration
(octobre 2019)

Un épisode dédié aux dynamiques migratoires : on observe de plus en plus de mineurs non accompagnés parmi ceux qui font le choix de la migration irrégulière.

Podcast:
Migration régulière
(octobre 2019)

S’il y a une migration irrégulière, c’est qu’il y a une migration régulière.

https://audiomack.com/song/wadr/let-s-talk-migration-episode-118-voices-from-our-listeners

Podcast:
migration interne
(octobre 2019)

On évoque souvent la migration transfrontalière. Dans la plupart des cas, la migration s’effectue à l’intérieur même du pays : une migration interne.

Podcast:
Migration et médias sociaux
(octobre 2019)

Cet épisode scrute le rôle joué par les médias sociaux : comment encouragent-ils ou découragent-ils la migration?

Dernière mise à jour : 03.11.2020 Publié : 16.06.2020